Écrire et échanger sur le métier

Cet atelier a été proposé à des infirmières en 2ème année de formation à l’IFSI de Versailles, sur leur temps personnel.

Le premier temps de lecture et d’écritures a été centré sur un lieu de soin donné dans ses détails, en laissant peu de places aux éventuels personnages. L’attention s’est portée sur la transmission au lecteur du confort ou de l’inconfort du lieu.

Le second temps proposait d’introduire des personnages dans ce lieu, et de focaliser l’écriture sur une atmosphère qu’il s’agissait de qualifier, comme le fait Marie Depussé dans “Dieu gît dans les détails”.

La troisième écriture cherchait à provoquer le glissement d’un lieu dans un autre, sur les traces de Maylis de Kerangal dans “A ce stade de la nuit”.

Les textes produits mettent en évidence une grande sensibilité et une attention à autrui, et révèlent à leurs auteures des capacités de débrouillardise dont elles n’avaient pas pleinement conscience. Les jeunes femmes reconnaissent avoir apprécié l’espace-temps intermédiaire, entre le cadre du soin et des responsabilités, et le temps et les activités de loisirs, qui leur a permis d’échanger et de regarder autrement leurs pratiques et parcours de soignantes. Ecrits hors du jargon professionnel et de la compression imposée aux transmissions au sein d’un service , ils montrent une créativité, dans la désignation des personnes notamment : « Madame » pour donner du respect à une personne qui va subir un examen invasif, « ce jeune-vieillard » pour évoquer de façon oxymorique le dramatique d’une situation.


« Cette porte jamais fermée te donne l’envie d’entrer. Les murs rouges foncés étouffent la pièce. Les meubles prennent une grande partie de l’espace et te laissent à peine la place. Pourtant, au fond de la pièce, à côté du lit, tu peux penser être à l’extérieur. Une grande baie vitrée te laisse respirer. Le mur de photos te réchauffe le cœur. Tous les enfants te sourient. »

« Le temps du repas est décrit comme un instant de plaisir. Les soignants échangent avec leurs patients tandis que les soignés ont plaisir à manger. Les tables rondes invitent au partage. J’aide ce jeune vieillard à manger car il n’a plus les capacités de le faire. Certaines maladies détruisent l’autonomie et t’enferment dans quelque chose que tu ne veux pas être. Ses mots sont remplacés par des sons et ses gestes ne prennent vie qu’à travers son regard. Ce regard plongé dans le mien qui m’a rempli de peine. »

« Le choix est fait, une sonde urinaire doit être posée. A peine un pied dans la chambre et l’odeur de l’eau de Cologne vient me chatouiller les narines. Elle est allongée sur le lit, prête à recevoir le soin. Le contact de sa peau ridée sur la mienne, ajouté à l’odeur me rappelle ma grand-mère. Toujours apprêtée et noyée dans le parfum qui en a fait chavirer plus d’un. Un soignant rentre dans la pièce avec le matériel nécessaire. Madame dit être habituée au soin et se laisse approcher. »