[Billet] Marikana

D’une étoffe empruntée de l’autre côté de la Méditerranée draper les regards et les
lignes des neuf venues écrire. Du Zimbabwe au Sénegal et Djibouti, le tissu s’étire,
nappe, trame, se teinte du bleu des Jacarandas. Il déteint aussi, s’envole à s’en
effilocher, puis tombe lourd comme lin, lesté d’un combat, d’une indignation ou d’une
surprise, comme le fil à plomb à la verticale du lieu précis.
Une marche des femmes le long des rails d’un chantier en grève, l’arrivée du bus
dans la poussière d’un village et les cris gesticulés des enfants d’Yvonne Véra,
mènent écoutes et écrits vers Kossi Efoui. Kossi Efoui, ou le tracé d’une histoire et
d’une géographie vraies en terres de mensonges politiques et de massacres
perpétués. Kossi Efoui, et le cadre qu’il façonne autour de l’image : un chas pour
l’aiguille tisserande qui permettra de redevenir humain après l’horreur, avec le
Cantique de l’Acacia comme chant de transmission.
De ses Ecopoétiques africaines (Karthala, 2022), Xavier Garnier éclaire cette
plongée en littératures post-coloniales, invite à de nouveaux nouages des lieux et
des textes. Une invitation honorée. Si les « mères-ancêtres » du Cantique ont su
sauver les lignées des razzia de tous les temps, les 9 ont su déposer, chacune leur
chantier, non un décompte de jours-hommes, mais des lieux-moments-femmes,
étapes d’un chemin qui n’en finit pas de relier les vivants et les paysages, pour peu
qu’on s’y aventure.