Paroles de parents : le pouvoir d'agir ensemble
A l’occasion de ses 20 ans, le groupe de paroles des parents de l‘association « Les enfants de la Goutte d’Or » (Paris 18e) a souhaité écrire un livre pour témoigner de son expérience et de son pouvoir d’agir.
Mais comment écrire un livre en groupe en respectant la parole de chacun, a fortiori quand une partie du groupe n’écrit pas le français ?
8 ateliers d’écriture orale
Pour
répondre au besoin de faire participer tous les parents qui le
souhaitent à la production du livre quel que soit leur rapport à
l’écriture, nous avons construit des ateliers en alternant productions
orales et écrites, co-écriture et écriture individuelle. Nous avons
ensuite coordonné la production éditoriale de l'ouvrage.
Élisabeth Piquet a préparé et animé 8
ateliers de 2h30 auxquels 14 parents ont participé. Une
partie de ces ateliers ont été menés dans le cadre d’une résidence
d’écriture délocalisée financée par une campagne participative. Elle a ensuite coordonné la production éditoriale du livre qui compte au total près de 40 contributeurs.
Valoriser le savoir issu de l’expérience
Hugues Bazin, chercheur en sciences sociales au Lisra, a préfacé ce livre. Il explique que « l’écriture réflexive ne relate pas simplement une expérience, mais fait de l’écriture une expérience en devenant soi-même sujet de sa propre recherche et non objet des problématiques définies par d’autres. Autrement dit, nous construisons et maîtrisons notre propre savoir […]. Ainsi directement réinjecté dans sa vie, ce savoir provoque des changements. Et de ce que nous apprennent ces changements, nous pouvons en tirer un nouveau savoir et ainsi de suite dans un processus en spirale. »
Sortie du livre
Mais ce livre n'a pu voir le jour que grâce à la construction patiente d'une relation de confiance, pendant 20 ans, entre les parents du groupe et l'association EGDO (Lydie Quentin, directrice de l'association, Antoine Darnal, et Isabelle Erangah-Ipendo ont initié et animé ce groupe). Ce travail dans la durée a permis aux parents de dire un jour : "pour l'anniversaire du groupe, on veut écrire un livre ! ".
Poèmes, récits, dialogues, témoignages, réflexions : dans des formats et des contributions variés, ce livre témoigne du pouvoir que donne la parole, de la puissance des liens de solidarité qui permettent aux parents de co-construire des réponses aux difficultés qu'ils rencontrent, dans leur famille et leur quartier. Avec ce livre, ils disent qui ils sont, loin des clichés, et ils laissent une trace de leur action, pour leurs enfants et petits enfants.
Merci à Hugues Bazin qui a écrit la préface du livre, et à Daniel Conrod, écrivain,qui en a écrit la postface.
« Mali Bamako, je me souviens de notre enfance. Tout le monde s’aimait, l’amour partout. On allait chez notre copine, sa maman nous prenait comme sa propre fille, nous donnait à manger. Tu te sentais comme chez toi.
Aujourd’hui, l’amitié s’est gâtée, et même la parenté. Les frères et sœurs ne s’aiment plus. Chacun construit son petit coin, chacun fait son petit manger. Moi et ma famille, moi et ma famille. Ça fait perdre le lien : même père, même mère et pourtant de la haine. (...)
Quand
je pense à mon enfance, je pense qu’aujourd’hui, ce n’est pas pareil.
Tout le monde est en grande ville. Il n’y a plus de souvenirs là-bas. La
ville est devenue trop chère, il y a trop de monde. Trop de querelles
d’héritage. L’argent est en train de laver l’amour entre les gens. Ça
tue. Ça me fait trop mal. Ça fait peur.
Je n’ai pas envie d’y retourner, je ne saurais pas où aller.
»
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